Le dos

Le symbolisme du dos
 
(extrait de mon mémoire à l'Ecole Française de Yoga)
"L’expérience est une lanterne que l’on porte sur le dos et qui n’éclaire jamais que le chemin parcouru."
CONFUCIUS

1 Les expressions populaires
La symbolique du dos est si riche qu’on ne compte plus le nombre d’expressions engageant le dos.
Néanmoins pourquoi les expressions qui engagent le dos sont elles aussi souvent négatives ?

Cet aspect du symbolisme du dos se retrouve dans beaucoup d’expressions populaires. Ainsi, "faire quelque chose dans le dos" de quelqu'un, c'est agir à son insu.
"En avoir plein le dos", c'est plier sous le poids de problèmes dont la solution échappe à notre conscience rationnelle et qui souvent s'expriment dans le langage du corps sous la forme d'un "mal au dos.
"Tourner le dos à un problème", c'est refuser de le voir et de l’"affronter" (vision par le front, par l'avant), refus qui nous fait "plier l'échine".
 « Devant Dieu, l'homme fait le dos rond, il s'abîme dans sa petitesse. Ainsi pense-t-il offrir moins de prise à la colère divine.» Michel TOURNIER

- En avoir plein le dos.
- Faire un bébé dans le dos.
- Etre dos au mur.
- Tourner le dos à quelqu’un ou quelque chose.
- Faire quelque chose dans le dos.
- Faire froid dans le dos.
- Courber le dos.
- Être large du dos.
- Casser du sucre sur le dos de quelqu’un.
- Tomber sur le dos de quelqu’un.
- N'avoir rien à se mettre sur le dos. 
- Renvoyer deux adversaires dos à dos.
- Faire le gros dos.
- Faire le dos rond.
- Plier le dos.
- Coup de poignard dans le dos.
- Tourner le dos.
- Sac à dos

2 N’y a-t-il pas des expressions positives ?
C’est difficile à trouver !
Certaines expressions ont évolué dans leur signification comme :
- avoir bon dos.
Autrefois, cette expression signifiait qu'une personne était assez forte pour porter de lourdes charges. D'ailleurs, tel était le sens du mot "dos". Par la suite, on l'a utilisé pour signifier qu'une personne semblait être la responsable idéale d'une faute commise. Ainsi, on dit qu'un individu "a bon dos" lorsqu'il semble être coupable de quelque chose, même s'il est innocent.

Il est temps de réhabiliter le dos en cherchant un aspect du symbolisme du dos positif.

L’étymologie du mot dos vient du latin « dorsum ».
Le dos est notre lieu d’habitation à la manière de la tortue, c’est notre carapace, lieu de protection et espace de repos.
D’ailleurs on retrouve la même racine avec le mot « domicile ».
Le domicile est une notion née de la locution latine domus désignant le lieu où habite une personne.

Le dos porteur 
Combien de dos ont construit des cathédrales, des pyramides, des édifices religieux, des immeubles, des gratte-ciels ?
C’est donc l’endroit du corps humain le plus adapté pour supporter les charges, c’est aussi une des raisons pour laquelle il sera souvent en souffrance.
On pourra parler alors de dos porteur, constructeur, c’est la charpente de l’être humain.

On parle aussi de sac à dos, fabuleuse invention qui permet à l’être humain de parcourir des grandes distances à pied avec plusieurs kilos sur le dos.
En Amérique Latine, les femmes de culture indienne portent les enfants dans le dos enveloppés dans des « manta » leur laissant beaucoup de liberté au niveau de leur bras.

3 L’arrière au passé
- Selon Jean Marchal, un autre aspect du symbolisme du dos est celui qui associe l'arrière au passé et l'avant à l'avenir. Le passé, c'est ce qui a été mais n'est plus, et "se retourner sur son passé" est d'un certain point de vue dangereux, en ceci que nous sommes alors exilés du moment présent.
- Selon KRISHNAMURTI, nous vivons dans le passé, (on m’a dit), toute notre vie s’inscrit dans le passé. Ce mouvement du passé peut-il s’interrompre ?
Le passé est un mouvement modifié par le présent et axé vers le futur. L’instant, c’est là où le présent et le passé s’abolissent. La pensée qui est un mouvement du passé entre en contact avec le présent et s’arrête net.
- Le dos symbolise le passé mais aussi les ancêtres. Quelle part des ancêtres est en nous et de quelle façon. (voir sur ce sujet le témoignage de Françoise JEZE, « Le corps, le sujet, l’altérité » p. 103 « De quoi parlent les corps ? » «Une histoire de famille …»)
- Concernant cet aspect de la symbolique qui associe le dos au passé, nous n’avons pas la maîtrise de cette association symbolique.
On peut imaginer alors que le dos soit un lieu privilégié de la somatisation.
- Une Solution : la méditation
 « Méditer, c'est se vider du connu. Le connu est le passé. »
La révolution du silence, Jiddu KRISHNAMURTI

4 Mémoire du dos
Toute l’histoire de son dos est sans doute inscrite dans le dos relié au cerveau sans que nous en ayons l’accès et donc la maîtrise.
Le fait que nous n’en ayons pas l’accès rend ce lieu incontrôlable et ouvre la voie à la somatisation.
La pratique du yoga et des asanas aura à la fois des conséquences physiques et mentales.

La mémoire de la douleur :
Cette mémoire se met en général en route lorsque la douleur a duré trop longtemps. Cette douleur peut alors s’inscrire dans le cerveau alors que la cause a disparu.
La douleur est un message d’alerte. C’est son immense intérêt, mais c’est le seul.
Une fois qu’elle a rempli son rôle, elle devient inutile et doit être supprimée.
La mémoire est un mécanisme redoutable, qui explique beaucoup de douleurs chroniques.

5 Le dos, lieu privilégié de l’inconscient
Ce serait un raccourci facile de dire que les maux de dos sont l’expression de l’inconscient.

Quand, sans raison apparente, nous ressentons de fortes contractions musculaires au niveau du dos ou souffrons de maux de têtes incessants, nous sommes probablement en train de somatiser. Ce type de douleurs est la manifestation d'angoisses que, bien souvent, nous ne savons pas exprimer autrement. Le corps parle à notre place, extériorisant notre stress, nos sentiments d’angoisse, de peurs, d’instabilité. La somatisation peut prendre différentes formes, allant des maux de têtes aux tensions voire blocages dans différentes parties du dos.
La somatisation intervient donc dans le cas d’angoisse ponctuelle et devient chronique chez des personnes sujettes à l’angoisse et au stress. De plus, ce langage est propre à chaque individu, on ne peut pas dire que chaque angoisse a un symptôme particulier qui lui est rattaché. Le corps s’exprime quand on ne peut pas dire l’angoisse, soit parce qu’il est trop difficile de verbaliser, soit parce qu’on ne peut repérer consciemment qu’on est angoissé. Notre inconscient nous pousse à souffrir physiquement plutôt que psychologiquement. Le symptôme physique cherche à nous « protéger », à limiter l’angoisse trop envahissante : avoir mal dans le corps nous fait « oublier » notre sentiment d’angoisse. Mais ces signes corporels permettent aussi d’être soigné, choyé sans avoir à le demander. C’est parfois plus simple de dire : il faut qu’on s’occupe de moi parce que mon corps souffre plutôt que de dire : il faut que l’on s’occupe de moi car je suis angoissé.

Exemple :
Lorsque j’ai un lumbago en 2000 en démarrant mon scooter, il se trouve que je devais prendre l’avion le lendemain alors qu’à l’époque je faisais de la claustrophobie liée à ce type de transport.
Quelles transmissions se sont mises en place entre mon cerveau et ma région lombaire ?
Les solutions : soigner les maux de dos bien sûr mais s’attaquer aux causes en consultant un psychologue ou un psycho-somaticien.

"D’abord acceptez-vous vous-même.  Quand vous ne vous acceptez pas et que vous vous imaginez être quelqu’un d’autre, un conflit surgit entre ce que vous croyez être et ce que vous êtes vraiment."
Svami PRAJNANPAD

6 Le dos, lieu du refoulement et des peurs
- «La face étant ainsi liée à l'Est, le dos se tourne naturellement vers l'Ouest. Mais la face symbolise aussi ce que l'on connaît, parce qu'on peut le voir, l'affronter, le rencontrer. Rien n'est plus vrai que la maxime populaire "on n'a pas d'yeux derrière la tête": je ne peux regarder mon dos, je ne peux que l'imaginer, au mieux le "sentir" grâce à une conscience du corps bien affinée. Je suis aussi inquiet de ce qui peut survenir dans mon dos, de l'inconnu qui surgit sans avoir été prévu. Le dos constitue encore le lieu du refus ("montrer son dos" à quelqu'un), et enfin le lieu du refoulé, de ce que l'on ne veut pas voir. On a donc beaucoup de raisons de penser que, si la face dorsale cristallise tellement de tensions, de douleurs, de contractures, il ne faille pas incriminer uniquement le défi à la gravité et à l'équilibre que constitue la posture debout. Dépassant cette manière simpliste de voir les choses, nous avons à reconnaître dans cette "cuirasse dorsale" qui se forge au fil des années le sceau dans lequel s'incrustent certaines de nos peurs. »
Ysé TARDAN-MASQUELIER

 7 La verticalité
« L'aspect le plus important du symbolisme du dos chez l'homme est lie à sa verticalité. L'homme est en effet le seul mammifère à port complètement vertical, spécificité directement associée au fait qu'il est le seul être vivant doué d'une conscience reflétant la Conscience divine. Or, c'est la colonne vertébrale qui est porteuse de cette verticalité, colonne au sens plein du terme: soutien vertical d'une structure élancée vers le ciel […] » Jean MARCHAL
Le dos c’est aussi l’intelligence relais de notre cerveau.
L’être humain a cheminé vers l’intelligence en se redressant, en passant d’un dos horizontal parallèle au sol à un dos vertical.
Voir l’introduction et le point de vue de Patrick TOMATIS  sur les conséquences qu’a entraîné la position verticale sur le développement de l’être humain.

8 «  conscience-coupe » - « conscience-flèche »
« K. von DURKHEIM conseillait à ses disciples, pour méditer, de se situer consciemment dans la nuque et dans le dos, dans cette «conscience-coupe » qui accepte tout ce qui survient mais ne retient rien, comme une coupe ou un miroir.
Cette «  conscience-coupe » s’oppose à la « concience-flèche », conscience objectivante et projective qui part du front comme une flèche vers sa cible pour soumettre le monde à sa propre vision. Ce geste intérieur amène à un lacher-prise de nos buts habituels, des tensions et perturbations chroniques et aigues.
La «  conscience-coupe » c’est l’acceptation sans émotion de ce qui nous est imposé à chaque seconde de notre vie par les évènements qui la jalonnent, agréables ou désagréables, et qui nous emportent dans l’excitation de la joie ou le refus de la révolte. »
 Jean MARCHAL
 La conscience du dos peut-elle éviter la somatisation, la somatisation étant une compensation dans une partie du corps inconscient ?

9 Le dos et la Kundalini
Le dos subtil , les chakras, Ida, Pingala, Sushumna.
La Kundalinî (la racine "kundal" signifiant "boucle" ) est un concept lié au Yoga qui désigne une puissante énergie qui se trouverait lovée dans l'os sacrum.
Elle est représentée comme un serpent enroulé sur lui-même trois fois et demi.
La colonne vertébrale a elle-même  une forme de serpent.
Par la pratique de la méditation, la Kundalinî s'éveillerait et monterait le long de la colonne vertébrale depuis l'os sacrum jusqu'à la fontanelle, progressant d'un des sept chakras à l'autre afin de les harmoniser un à un. La Kundalini est indifféremment désignée comme "énergie vitale", "énergie sexuelle" ou "énergie divine" selon les auteurs qui l'emploient et la tradition qui l'utilise. Le terme ancien, Kundalini Shakti, issu du tantrisme, est aujourd'hui employé fréquemment dans le courant New Age.
Le déploiement de la Kundalini conduirait à l'éveil spirituel du pratiquant et à la plus haute conscience de soi.